Le Maloya
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Le maloya est à la fois une musique, un chant et une danse tous les trois typiques de la Réunion et des îles de l’océan Indien et fait partie avec le Séga, des deux principaux genres musicaux traditionnels de la Réunion. C’est un rythme envoûtant qui met en transe les corps et les esprits et plonge ses racines à l’époque de l’esclavage. Son origine est entourée de mystère.
Dans sa forme traditionnelle, le chant maloya est effectué par un soliste comme une incantation et il est repris par un choeur et accompagné par des percussions au rythme souvent ternaire. Le maloya se danse aussi bien par les femmes que les hommes. Les jambes sont fléchies et effectuent des déplacements avant-arrière, sur les cotés ou rotatifs, accompagnés en rythme par des mouvements lancinants du bassin soulignés par les bras qui accompagnent et amplifient le mouvement.
Les origines du maloya
Les traces écrites ou iconographiques qui permettaient retracer son origine sont rares. On peut considérer que ce genre musical a été créé par les populations africaines et malgaches de l’île qui étaient réduites à l’esclavage jusqu’au milieu du XIXe siècle. Les esclaves organisaient des fêtes ou ils se réunissaient pour chanter et danser et Selon les lieux et les époques, et aussi les historiens qui en font la description, ces fêtes, appelées servis kabaré étaient des célébrations des morts de la famille ou du clan.
Née de la fusion d’expressions musicales, vocales, instrumentales et dansées de ces premiers habitants, elles ont été reprises par les engagés indiens et plus tard par les descendants des colons européens, non sans se marquer de créolisation.
Maloya est d’ailleurs un mot d’Afrique de l’est qui veut dire incantation, sorcellerie ou sorcier selon le dialecte. Mais là encore, son origine est incertaine, en malgache, maloy aho signifie parler ou dire ce que l’on a à dire. L’origine du nom est d’ailleurs plus récente que le maloya lui-même. Elle vient d’un écrit du chanteur réunionnais Georges Fourcade en 1930. Avant, ce chant était appelé *Tsiega*, mot portugais d’origine swahili désignant l’action de remonter ses habits, caractéristique des danses bantoues.
Lire l’histoire de la musique à la Réunion et son chapitre sur le maloya
Les instruments de musique
Aujourd’hui le chant a pris le dessus sur l’incantation mais c’est toujours un chant qui *ral* et qui fait monter une plainte accompagnée des mêmes instruments aux noms créoles :
- le rouler, gros tambour de basse qui se joue en étant assis dessus à califourchon
- le piquer, assemblage de nœuds de bambous frappés avec des baguettes de goyavier
- le kayamb, caisson en forme de radeau contenant des graines
- le bobre. Corde frappé d’une batavék qui résonne grâce à une calebasse
Avec le temps, le maloya a reçu l’influence de chaque époque et d’autres ethnies comme les Indiens tamouls et leurs tambours malbars, leurs matalon utilisés aussi lors de leurs cérémonies tamoules. Le triangle européen a rejoint le piquer en bambou. Plus récemment une forme de maloya métissé s’adjoint des cuivres ou des synthétiseurs.
Ces évolutions ont enrichi le maloya mais aussi l’ont diversifié. Déjà au XIXᵉ siècle on identifie différents styles de kabaré avec par exemple les servis malgas différent des servis kabaré. Aujourd’hui on parlera plutôt de maloya traditionnel et de maloya podium pour citer sa préférence.
Du passage sous silence
L’engouement pour le maloya comme musique et danse représentative de l’île est récent. Avant, dans les années 50 il était proscrit car cette manifestation culturelle locale pouvait apporter des velléités d’indépendance que le pouvoir français redoutait. Les servis kabaré étaient donc organisés de manière clandestine. Le maloya maronnait. La flamme de cette culture était heureusement bien entretenue et soutenue par des mouvements politiques comme le parti communiste réunionnais (PCR) créé en 1959 par Paul Vergès qui voulait ainsi afficher sa résistance à un pouvoir central symbolisé par le Premier Ministre Michel Debré. Le chanteur Firmin Viry, proche du PCR, a longtemps lutté contre l’interdiction du maloya et a sorti plusieurs disques de cette musique interdite.
Après 1981 et la reconnaissance officielle de la fête du vingt décembre le maloya est sorti de l’ombre porté par des artistes rebelles et une vision de la culture française favorisant plus la diversité (merci Jack Lang). Patrick Persée, Gaston Hoareau, Danyèl Waro, Ziskakan et Gilbert Pounia, Bastèr et son leader aux dread locks Thierry Gauliris, Cimendef et son chef indépendantiste Sinimalé, Zarboutan, Roséda, Ti Fock, Ousa nousava, Ravan, Jacqueline Farreyrol et Kaloupilé comme beaucoup d’autres vont faire vibrer la musique et les cœurs.
Aux succès d’aujourd’hui
Signe de la révolte, le maloya va devenir le symbole fort d’une identité réunionnaise qui sortait enfin de sa chrysalide pour s’épanouir au grand jour. Deux tendances vont s’affirmer : l’une représentée par les groupes familiaux (Firmin Viry, Ramouche, Le Rwa kaf, Grammoun Lélé…) qui privilégient la tradition orale porteuse de la culture au quotidien ; l’autre avec des groupes associatifs (Ziskakan, Baster) servis par des auteurs (Gilbert Pounia, J-C Carpanin Marimoutou, Patrice Threuthard, Axel Gauvin, Alain Armand, Thierry Gauliris…) qui cisèlent l’écriture de leurs textes souvent revendicatifs.
Le maloya est classé au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO depuis le 1er octobre 2009.