Célimène ou l'art plastique au féminin
2024
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Dissolution, piège à… →
J'ai souvent parlé ici de mes rencontres, souvent en ligne, avec les artistes de la Réunion. Les premiers sites qui m'ont intéressés étaient ceux d'artistes avec un « e » à la fin, des féminines. Et bien c'est la même chose coté officiels. Depuis 20 ans, le Conseil départemental de la Réunion organise le prix Célimène qui récompense chaque année depuis 2005 des femmes artistes amateures dans les domaines de la peinture, la sculpture et la photographie.
Les règles du concours
Pour le prix Célimène, toute femme peut présenter ses œuvres à l'appréciation du jury sauf les artistes professionelles. Comme souvent les artistes ne peuvent pas vivre de leur travail et doivent aussi avoir un deuxième métier. Dans pareille condition, il peut être difficile de faire la différence entre le pro et l'amateur. Le règlement du concours retient donc les critères de la renommé et la formation : les candidates ne doivent pas avoir reçu de formation diplômante dans une discipline artistique ni ne jamais avoir exposé (sauf pour le concours Célimène). Ah et puis le concours est réservé aux adultes, femmes, résidant à la Réunion. En se focalisant sur les femmes artistes amateurs, le Conseil départemental espère libérer l'expression de personnes à qui on ne donne pas volontiers la parole.
Comme le dit le dossier de presse d'une édition passée, le concours vise à encourager l’expression des femmes artistes amateurs qui n’ont jamais eu la possibilité de faire connaître leur travail, en leur offrant un espace d’expression et de diffusion.
Pour les inscriptions, c'est fini
Cette année, les inscriptions à ce concours sont closes depuis le 22 février et même depuis le 16 février pour celles qui espéraient s'inscrire en ligne. L'ensemble des œuvres sont exposées à partir du 8 mars jusqu'au 22 mars 2024 dans un espace culturel du Département à Saint-Denis. Comme tous les ans, c'est le 21 mars, journée internationale du droit des femmes que le jury annoncera ses choix et que les lauréates recevront publiquement leur prix Célimène.
Les dotations sont offertes au trois premières lauréates qui gagnent de 2000 à 1000 euros ainsi qu'une quatrième récompense de 500 € pour le Prix spécial du jury attribué à une production autour du développement durable. Le choix des mots développement durable montre que l'enjeu du concours n'est pas vraiment environemental.
Le prix Célimène Junior
Depuis l’année 2016, le Département a aussi ouvert ce concours aux classes des collèges de La Réunion, afin de sensibiliser les adolescents dès le plus jeune âge à la cause des femmes, par le biais d’une activité créatrice (voir règlement en PDF). Ce sont les collèges qui proposent à leurs classes de participer et les dotations sont plutôt symboliques mais font connaitre encore plus largement ce concours et son objectif féministe.
Le conseil départemental est l'échelon administratif qui finance les collèges. Avec cette activité la participation du Conseil départemental n'apporte pas que des dotations financières mais aussi des activités qui font sens. C'est malgré tout l'académie de la Réunion qui veille au respect des programmes. Cette dernière est partenaire du prix Célimène junior comme pour valider cette activité. Les inscriptions ont lieu sur le site de l'académie.
C'est d'ailleurs un collège qui va nous expliquer pourquoi ce concours s'appelle le prix Célimène. Le collège Célimène Gaudieux.
Qui était Célimene Gaudieux ?
Cé Cé Cé Célimène ! Même si c'est le nom d'une femme qui a marqué les esprits de son temps, ce n'est pas la Célimène de la chanson de David Martial dont il s'aggit. Ce chanteur martiniquais ne devait d'ailleurs pas connaitre la Réunionnaise Célimène Gaudieux quand il a lancé son tube éponyme qui a popularisé le zouk en France.
La notice sur le site du collège indique que Célimène est née Marie-Monique le 20 avril 1807 d'une mère esclave nommée Candide et de son maître Louis Edmond Jeance. Le 3 octobre 1839, Marie-Monique épouse Pierre Gaudieux à Saint-Paul puis le couple va s'établir à la Saline (commune de Saint-Paul), y ouvrant une auberge.
C'est dans cette auberge que va se construire sa renomée. (Plus de détails dans l'article sur Célimène) Elle y distrait les voyageurs de passage en chantant des chansons qu'elle a écrite elle même au son de sa guitare. Elle devient apprécié de nombreux intellectuels de son temps et son talent a été rapporté par de nombreux écrits de l'époque. On raconte qu'elle manie le verbe avec élégance ce qui n'est plut>ôt pas mal pour une fille d'esclave qui n'est jamais allée à l'école.
Elle est souvent représentée jouant de la guitare car les gravures qui la représentent s'inspire de la seule photo (un daguerréotype) d'elle prise par Antoine Roussin vers 1861.
Lithographie d'Antoine Roussin présentant Célimène Gaudieux posant avec sa guitare. La Lithographie est inspirée d'une photographie prise par le lithographe qui a aussi inspiré deux autre gravures visible sur l'article consacré à Célimène Gaudieux.
C'est donc une femme de talent sans formation préalable qui offre son nom à un concours récompensant les femmes de talent sans formation préalable.
Les lauréates
En attendant les résultat de cette vingtième édition vous pouvez consulter la liste des lauréates des précédentes éditions.
En regardant les noms des lauréates, on peut constater que le concours remplit bien son rôle de tremplin pour les femmes artistes. Nombre des femmes primées depuis 2005 embrassent une carrière artistique.
Par exemple Alice Aucuit qui a remporté le premier prix en 2007 avec une sculpture appelée Tram trap mémwar se présente aujourd'hui comme Artiste Céramiste ayant plusieurs installations et expositions à son actif.
Odile Sauve, lauréate 2011 est originaire de la Drôme. Depuis son prix, elle s'est établie à Seillans dans le var ou elle vends ses toiles. De sont coté Julie Joly, née à la Réunion et lauréate 2015 avec Mayaj, une sculpture de fil de fer, est montée à Paris où plusieurs galeries à Paris ou ailleurs en Europe, exposent ses travaux impressionnants toujours en fil de fer.
Géraldine Gabin, pour sa part, n'a pas de site web mais elle a aussi embrassé la carière d'artiste après sa victoire du prix Célimène en 2013. Ses travaux sont toujours dans le style de son Bardzour primé. Ils sont mis en valeur et vendus par la galerie 33, une grande case à Saint-Denis
Toutes les lauréates n'ont pas continué dans la voix de leur prix mais elle n'en poursuivent pas moins des carrières artistiques. On peut citer Sylvie Chan-Liat, lauréate 2008 qui est aujourd'hui photographe et travaille souvent pour des galeries d'art. Mais aussi Florence Lafleur, lauréate 2009 avec une statue en céramique qui est auteure de livres pour enfants édités chez Orphie. Elle y signe un livre avec Agnès Farrugia qui a, elle aussi reçu le prix Célimène pour son poème Aux dernières nouvelles. On notera aussi qu'un modèle en bronze de l'œuvre primée de Florence Lafleur Femme : mutilation a été dressée dans le jardin d'État à Saint-Denis.
La statue Femme : mutilation inaugurée en novembre 2009 dans le jardin d'état de Saint-Denis, entourée des artistes Florence Lafleur et Agnès Farrugia.
Pour savoir qui est la lauréate 2024, il faudra attendre un peu et pour savoir ce qu'elle deviendra, il faudra laisser faire le temps.
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