Le parc national de la Réunion se dote d’une charte

2017
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Voilà dix ans que le parc national de la Réunion a vu le jour. Il a été un bon promoteur de la vie sauvage de ce bout de France dans l’océan Indien mais qu’en est-il de la protection des espèces uniques et remarquables que cette réserve doit apporter. Comment ça se passe concrètement ?

Quand j’étais enfant je pensais que les parc nationaux étaient des réserves naturelles où les activités humaines étaient complètement proscrites pour que la nature puisse s’épanouir et qu’il était interdit de franchir une limite tracée en pointillé sur le sol comme dans Astérix. J’ai ensuite été surpris d’apprendre que j’empruntais souvent une route bordée de villages et de champs cultivés dans le parc naturel régional du Gâtinais français. Que dire aussi du tourisme de masse dans le plus ancien parc national du monde, le parc de Yellowstone aux États-Unis. En fait un parc naturel est certes une réserve naturelle mais les activités humaines y perdurent, elles doivent juste veiller à ne pas affecter les espèces naturelles qui y vivent.

Qu’il y ait un parc naturel ou non, les espèces végétales ou animales protégées ne doivent pas être prélevés. Les interdictions de chasse ou les rappels des guides de montagne quand la cueillette de certaines fleurs n’ont pas besoin de parc national ou de charte pour s’imposer à nous. Du coup on peut se demander dans quelle mesure la création du parc apporte un plus à la protection des milieux naturels uniques de l’île de la Réunion.

C’est toujours drôle de le constater mais la seule existence d’un parc national apporte déjà beaucoup à la mise en valeur des ressources naturelles qu’il abrite ne serait-ce que par la publicité qui en est faite. Les labels sur les cartes et les panneaux sur les routes sont autant de rappels sur la valeur du patrimoine naturel des régions traversées. Mais ce n’est pas là l’essentiel, le Parc national devient à sa création le gestionnaire public des espaces naturels exceptionnels avec les moyens de l’état. La loi de 2006 sur les parcs nationaux renforce même les missions des établissements publics des parcs nationaux (en y incluant par exemple la gestion du patrimoine culturel). Elle veille aussi à ce que l’établissement public ne soit pas un machin d’état hors sol mais un acteur de terrain prenant en compte les acteurs locaux. C’est das ce cadre que le parc se doit d’établir une charte qui est un manifeste de sa politique pour les dix ans à venir tant pour l’établissement public que pour les collectivités locales, les habitants et les entreprises.

La loi est suffisante pour empêcher les activités humaines, gênantes ou nuisibles aux espèces endémiques du parc mais contraindre ou interdire les mauvaises pratiques est plutôt compliqué dans un espace aussi grand. En toute intelligence l’office du parc national de la Réunion a préféré la pédagogie à l’autoritarisme.

Cœur du parc et aire d’adhésion

À la création du parc, les limites des espaces à promouvoir et à préserver ont été dressés en fonction des reliefs, des routes, de la typologie de l’environnement naturel et de sa singularité. Cette zone est appelée le cœur du parc. Souvent moins peuplée, la nature y est plus facile à préserver, mais il faut, malgré tout, veiller à de pas dégrader ce milieu avec des projets ou des pratiques destructrices. La réglementation du Parc national s’applique donc au territoire du coeur.

Une zone autour de ce cœur du parc est appelée « aire d’adhésion ». L’habitat et les activités humaines plus denses de ces zones rendent la préservation des espaces naturels plus délicate. Ces espaces naturels ont parfois un caractère exceptionnel qui pourrait prétendre rejoindre le cœur du parc moyennant certains efforts. Dans d’autres cas l’aire d’adhésion est un espace voisin du cœur qui participe à la préservation des habitats naturels fragiles du cœur voisin. Enfin, dans le cas du parc national de la Réunion, l’aire d’adhésion est la zone d’accès au cœur depuis le littoral de l’île, partie la plus peuplée et la plus industrialisée (voir les divisions de l’île).

Ces territoires fortement peuplés à proximité de la zone du parc, les activités humaines sont si nombreuses que diminuer leur impact sur la nature demande plus d’efforts. Faire partie de l’aire d’adhésion permet aux habitants d’évaluer les changements et efforts à faire s’ils voulaient adhérer au cœur du parc où la strict préservation de la nature les obligeraient à adapter leurs activités. Ce sont les communes qui décident librement de compter certaines parties de leur territoire dans l’aire d’adhésion ce qui témoigne de leur attachement au patrimoine écologique de la Réunion.

Carte du Cœur du parc et des aires d’adhésion qui ont été acceptées par les communes en 2015. Les aires d’adhésion potentielles n’apparaissent pas sur la carte, on note donc une absence nottable de Saint-Leu, le Tampom et Saint Philippe. Le fond de carte est fourni par le Géoportail d’IGN.
Carte du Cœur du parc et des aires d’adhésion qui ont été acceptées par les communes en 2015. Les aires d’adhésion potentielles n’apparaissent pas sur la carte, on note donc une absence notable de Saint-Leu, le Tampom et Saint Philippe. Le fond de carte est fourni par le Géoportail d’IGN.

L’investissement des communes

Pour ce faire la commune s’engage à aménager et développer ce territoire de manière à ne pas impacter et même à renforcer le patrimoine naturel du cœur du parc. La commune bénéficie pour cela du soutien technique et financier de l’établissement public du parc. Les habitants de cette zones ont aussi accès à des aides fiscales pour mettre en œuvre certaines bonnes pratiques environnementales. Les activités agricoles et industrielles doivent parfois être repensées en profondeur ce qui arrive souvent quand on essaye de développer son activité. Pour les résidents de ces zones c’est aussi un apprentissage nouveau qui doit se faire en partenariat avec les équipes du parc.

On peut comprendre que certaines équipes municipales tiennent à se tenir loin de ce qui peut être vu comme une contrainte. D’autres communes, au contraire ont compris que cette adhésion permettait d’être aidé pour mettre en valeur et développer le patrimoine naturel de son territoire.

En 2014, sur les 24 communes de la Réunion invités à signer la charte, 9 d’entre elles avaient fait le pas et signé un accord avec le parc national : Bras-Panon, Cilaos, Etang-Salé, Plaine des Palmistes, Salazie, Saint-André, Saint-Louis, Saint-Pierre et Sainte-Rose. 3 communes ont signifié leur refus : Les Avirons, Saint-Philippe, le Tampon. Le point d’étape de Zinfos 974 indique que les communes restantes ont soit reporté leur décision soit n’ont pas encore délibéré sur le sujet.

La signature de la charte n’est que le point de départ. L’étape suivante est la participation des communes à l’information des riverains et à la construction de projet de développement et de mise en valeur du patrimoine naturel. L’établissement public national du parc a un rôle de soutien à la fois technique et financier pour le développement d’activités et de filières durables ou en lien avec la charte. Le tout est détaillé dans un document de presque 100 pages (PDF). Parfois cela mêne à la signature d’une convention d’application comme vient de le faire la commune de Sainte-Rose.

La genèse de la charte des hauts

La parc national de la Réunion est né par le Décret n°2007-296 du 5 mars 2007, dont l’article 2 précise les règles générales de protection mises en place et prévoit la création d’une charte afin de préciser ces règles.

Les dispositions du présent titre définissent, en application du 1° de l’article L. 331-2 du code de l’environnement et conformément aux articles L. 331-4 à L. 331-5, L. 331-15, R. 331-18 à R. 331-21 et R. 331-52, les règles générales de protection applicables dans le coeur du Parc national de la Réunion. Les modalités d’application de ces règles sont précisées par la charte du parc.

Les lois fixent un cadre général mais pour appliquer la loi il faut des décrets d’application qui sont ensuite suivis, par exemple de circulaires expliquant ce qu’il faut faire aux fonctionnaires qui appliquent la loi. C’est la même chose pour la parc national de la Réunion. Le code de l’environnement dispose le cadre général et le décret définit son application sur un territoire de la Réunion. Plutôt qu’une circulaire qui s’impose à tous d’autorité, les gestionnaires du parc ont eu la bonne idée de préférer une charte qui est co-consruite avec des communes partenaires. Chaque commune étant libre d’y adhérer ou non.

Que demande la charte ?

Après avoir expliqué que la charte du parc national de la Réunion ne demandait rien d’autre que de préserver le cadre naturel dans lequel on évolue, que cela semble si logique qu’il n’y a aucun problème à le suivre, voyons en détail ce que ça implique.

Avant l’établissement de la charte de nombreux fantasmes sur des interdictions diverses ont circulé. C’est parce que des interdictions il y en a et que la phase de discussions n’a peut-être pas toujours été sereine, dans un pays ou le ladilafé est un sport national.

Tract: La charte du parc national en questions - réponses avec des réponses VRAI/FAUX et accompagné d’un QR code pour participer à la consultation publique du 4 décembre et jusqu’au 24 janvier 2013.
Pour répondre aux rumeurs, le parc a édité un tract tirant le vrai du faux sur des affirmations parfois rigolotes. Ce tract accompagnait la consultation menée auprès du public en 2013.

Dès 2012, Clicanoo, repris par l’Express de Maurice listait les points les plus importants de cette charte en cours d’élaboration. Surprise, beaucoup de ces règles sont déjà en place comme pour la pratique du rafting qui est n’est autorisé que sur certains sites. L’obligation de la préservation de la nature sauvage obligera les organisateurs d’événements comme les kabars à solliciter l’accord préalable du parc en plus de celui de la mairie. Même chose pour les permis de construire.

Le point le plus notable à mon avis, concerne les animaux de compagnie. Les chats et chiens ne sont pas les bienvenus dans le parc parce qu’ils peuvent provoquer des dégâts sur les espèces animales endémiques que le parc veut protéger, comme le Tuit tuit, le Petrel de Barau ou le Petrel noir. Quand on sait que ce sont les chien qui ont participer à l’extinction du dodo à Maurice on peut comprendre cette mesure. Les animaux ne sont pas interdits mais ils devront rester à proximité des habitations de leurs maîtres ou bien être tenus en laisse s’ils sont sortis dans la nature. Enfin tout doit être fait pour empêcher la prolifération des rokés, des chiens errants, phénomène répandu dans les bas.

Autre point à relever, la cueillette de roche est elle aussi soumise à réglementation. L’idée est de continuer à permettre les prélèvements artisanaux mais pas les quantités industrielles qui pourrait affecter le paysage. Ramasser quelques cailloux lors d’une promenade lorsqu’on est touriste compte dans l’industriel.

Pour ceux qui veulent aller plus loin que l’article de l’Express de l’île Maurice, le Parc national de La Réunion a édité un fascicule qui résume la charte et y liste les droits et devoirs du visiteurs. Bon avec cette manie de remplir sa mission de l’information du public, le fascicule fait tout de même 40 pages mais c’est une lecture intéressante pour découvrir le parc et le tout est agrémenté de photos et de quelques idées d’activités… autorisées il va sans dire.

Couverture de la Charte avec un tuit tuit et une case créole en couverture

Après les approbations publiques des conseils municipaux, l’adhésion des communes de la Réunion à la charte du parc national de laRéunion s’est officiellement fait à 3 dates, selon un avis publié au journal officiel le 20 décembre 2020 : Depuis le 9 mars 2015 : Bras-Panon, Cilaos, L’Etang-Salé, Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Denis, Saint-Louis, Saint-Paul, Saint-Pierre, Sainte-Marie, Sainte-Rose, Sainte-Suzanne, Salazie, La Plaine-des-Palmistes, Le Port, La Possession et Trois-Bassins, soit 17 communes sur 24 un an après leur invitation. Depuis le 17 avril 2018 : Les Avirons et Saint-Joseph. A compter du 20 décembre 2020 : Saint Philippe.

Les quatre communes manquantes sont Saint Leu, L’Entre Deux, le Tampon et Petite île


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