Dans l’œil de Garance
2025
← Sécheresse à la Réunion de crise
Dans mon précédant article, je souhaitais la pluie en rappelant que la saison cyclonique n’était pas terminée. Quelques jours plus tard, le cyclone tropical Garance a frappé l’île de la Réunion de plein fouet. Ce n’est pas exactement ce que j’attendais en souhaitant la pluie.
Le cyclone tropical Garance a frappé l’île de la Réunion le vendredi 28 février 2025, causant des dégâts considérables et faisant au moins trois morts. Le cyclone, qualifié de phénomène puissant, violent et lent, a touché terre avec des rafales dépassant les 200 km/h et des cumuls de pluie atteignant 400 mm dans certaines régions de l’île. L’alerte cyclonique a été portée au niveau violet, le niveau maximum, avant de revenir au niveau rouge à la mi-journée.
Violent et lent peut paraitre paradoxal, mais c’est pourtant simple à comprendre. Le cyclone est composé de vents très puissants qui tournent autour de l’œil du cyclone. C’est le côté violent. Mais si le vent souffle à plus de 200 km/h Cela ne veut pas dire que le cyclone avance aussi vite. Il se déplace en général entre 20 et 40 km/h. Garance s’est déplacé encore moins vite, 7 km/h ; on voit sur les cartes qu’il lui faut presque une journée pour traverser l’île.
La préfecture a donné le détail des vies auxquelles le cyclone a mis fin : Une femme a été emportée par les eaux à Saint-Denis. Un homme est mort dans un incendie d’origine électrique, également à Saint-Denis. Une autre femme a été ensevelie par une coulée de boue à Trois-Bassins à de l’ouest de l’île. Un homme est resté coincé sous un arbre à Saint-Denis.
Le cyclone Garance a été décrit comme un phénomène très impressionnant et bien structuré, rappelant aux habitants de la Réunion l’importance de se préparer à de telles situations. Les prévisions météorologiques ont souligné la difficulté de prévoir avec précision l’intensité et la trajectoire du cyclone en raison de sa petite taille, ce qui a rendu la gestion de la crise particulièrement complexe. Autre particularité affectant la prévisibilité, le cyclone s'est développé très rapidement. La surveillence de la dépression a commencé le 24 février et son intensification rapide l'a porté en deux jours à son stade maximum de Cyclone tropical intense. Il ne restait plus que deux jours aux Réunionnais pour se préparer.
L'œil et le mur de l'œil
L'œil de Garance est bien visible sur les images satellite que montrent les services météo de la télé. Cette zone plutôt calme est dépourvue de nuages et forme le point sombre au centre du tourbillon blanc caracteristique. Si les vents et les précipitations sont faibles dans cette partie du cyclone, la limite avec le reste de la dépression est l'endroit ou les éléments sont les plus violents. C'est là, dans le mur de l'œil, que l'on mesure les vitesses de vent les plus élevées.
Vue satellite du cyclone tropical intense Garance au nord de la Réunion le 27 février 2025 par la platteforme Terra de la NASA
Une pluie cinquanténale
À Saint-Gilles, l’eau a atteint un niveau jamais vu. François Bocquée, ex-directeur de l’office de l’eau parle d’une pluie cinquantenale, c’est-à-dire un événement qu’on ne vois que tous les cinquante ans. Même les cyclones Clotilda (1987) et Dina (2002), qui ont particulièrement arrosé la Réunion, n’ont pas fait monter l’eau si haut. D’autres soulignent que ces débordements sont une conséquence des changements dans l’aménagement du territoire qui modifie l’écoulement des eaux.
L’alerte rouge cyclonique (où il faut rester confiné) a été levée le samedi 1er mars à 10 heures locales, marquant le début de la phase de reconstruction et de retour à une météo normale pour les habitants de la Réunion. Les efforts se concentrent désormais sur la remise en état des infrastructures et le soutien aux familles directement affectées par le cyclone.
Depuis quelques années le protocole d'alertes cycloniques s'est vue complété d'une phase de sauvegarde. La préfecture rappelle que l’accalmie n’est pas un retour à la normale. Le danger persiste parce que certains édifices comme les ponts, ou certains chemins de montagne, ont pu être fragilisés par le cyclone et que leur usage peut rester dangereux. Aussi, si le niveau d’eau dans les ravines baisse, elle n’est pas moins polluée et il faudra attendre un moment avant que la baignade soit à nouveau autorisée.
Des gros dégâts
Un cyclone qui frappe l’île aussi directement ne peut que laisser des gros dégâts derrière lui. Le passage de Garance a entraîné des coupures d’électricité massives, affectant plus de 180 000 foyers. Les infrastructures de l’île ont été gravement endommagées, avec de nombreux sentiers obstrués et instables en raison des pluies intenses et des vents forts. Les autorités ont rapidement mis en place des mesures de sauvegarde et des travaux de dégagement et remise en état des routes ont commencé dès la fin de l’après-midi du vendredi.
L’œil de Garance a traversé la Réunion de Sainte-Suzanne à Saint-Louis, provoquant des rafales dépassant localement 200 km/h. Les fortes pluies ont continué, même après le passage du cyclone, avec des cumuls de précipitations atteignant jusqu’à 400 mm dans l’intérieur de l’île.
Les autorités ont mobilisé des renforts, incluant des sapeurs-pompiers et des militaires de la sécurité civile, pour aider aux travaux de déblaiement et d’ouverture des axes. L’office national des forêts a également été sollicité pour la reconnaissance des sentiers endommagés. Les sites de baignade ont été déclarés impropres en raison des écoulements de matières polluantes dus aux précipitations. Les civils et les simples habitants ne sont pas en reste, car dans pareils cas, on peut se retrouver à prêter main forte entre voisins comme le témoigne les héros de Caricubes.
Au premier mars la préfecture dénombrait 970 personnes accueillies dans des centres d’hébergement. Pour ces sinistrés dont la maison a été inondée ou qui ont perdu leur toiture ou toute leur maison, le retour à la normale prendra plusieurs mois. Même si l’état de catastrophe naturelle a été prononcé pour toute la Réunion certains auront à batailler avec les autorités et les assurances pour retrouver leur chez-soi.
Construire au temps du réchauffement climatique
Des voix s’élèvent pour parler de normes de constructions qui ne prennent pas en compte les événements extrêmes. Les règles de construction ont évolué depuis l’adoption des eurocodes dans les années 90 jusqu’à la prise en compte de la spécificité des Outre-mers en 2024. Mais à ce jour, il n’y a pas de norme de construction anticyclonique en vigueur, ni pour les bâtiments ni pour les ouvrages d’art. La question d’un tel règlement se pose après chaque passage de cyclone et puis le public oublie…
L’état de catastrophe naturelle vise aussi à indemniser les victimes du cyclone Garance qui ont perdu leurs biens suite à des éboulements, des chutes d’objets ou des dégâts dans des exploitations agricoles, désordres que des normes de constructions plus strictes ne peuvent pas prévenir.
Les spécialistes ont maintenant la certitude que ces événements extrêmes sont amenés à être plus fréquents. Cyclone OI explique que la saison 2024-2025 exprime bien cette évolution puisque les 5 épisodes les plus forts — dont Chido qui a frappé Mayotte en février — sont des cyclones intenses ou très intenses.
Face à pareille évolution, peut-être qu’un renforcement de ces règles et de leur application sera à l’étude. Il est encore trop tôt pour le savoir. C’est en tout cas ce que pense la SCIC Alvéoles. Une Coopérative qui propose de repenser le bâti tropical à la Réunion pour faire face à l’urgence climatique. Pour l'instant, ses solutions mettent surtout en avant des bâtiments durables, mais leur résistance à des pluies plus fortes et des vents plus violents se posent aussi et la SCIC fait des recherches sur le sujet avec son partenaire LEU Réunion (Laboratoire d’Écologie Urbaine).
Dans une discussion rapportée par Parallèle Sud Info, les deux structures expliquent que l’aménagement de l’environnement est aussi un facteur important. Et d’expliquer que les crues les plus importantes ont été constatées dans les zones artificialisées. Au-delà des règles de construction, les plans d’urbanisme vont peut-être aussi devoir évoluer.
Le projet BRIO
Le projet BRIO, que j'ai présenté lors d’un épisode de sécheresse propose aussi des données de projection climatiques concernant l’évolution de la vitesse des vents et les précipitations. Ces scénarios ont déjà permis des études d’impact dans l’agriculture, elles pourraient aussi servir de base pour se prémunir contre les événements extrêmes.
En savoir plus sur le projet BRIO.
Le plan national d’adaptation au changement climatique vient d’être révisé pour suivre un scénario pessimiste (+4° à l’horizon 2100). La révision des normes de construction et des plans d’urbanismes prenant en compte les événements tropicaux extrêmes devrait pouvoir faire part des plans Climat Énergie territoriaux annoncés par cette révision. Ces adaptations ne se font pas du jour au lendemain mais espérons que ce soit en bonne voie.
Garance est partie et le beau temps est revenu. Le temps est maintenant aux réparations et à la reprise de l’activité. Certaines activités pourraient comprendre une préparation au prochain passage d’un système tropical.
En savoir plus sur les cyclones
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